La grande année de 26 000 ans

Rassurez-vous, je ne vais pas rentrer dans le détail d’un phénomène astronomique peu connu du grand public et qui porte le nom compliqué de “précession des équinoxes”. Il s’agit d’un mouvement de la terre analogue à celui d’une toupie lorsque sa vitesse commence à diminuer et que son axe de rotation décrit un cône, sauf que pour la terre, cela ne s’arrête pas au bout de quelques secondes. Cela fait probablement des centaines de millions d’années que cela dure et, actuellement la terre décrit son cône en 26 000 ans.

Une des multiples conséquences de ce phénomène est que la position du soleil au moment des équinoxes varie au cours des millénaires. C’est ainsi qu’on parle des ères astrologiques qui ne sont rien d’autres que les constellations où se trouve le soleil au moment de l’équinoxe de printemps. Nous venons de finir l’ère du poisson et rentrons dans l’ère du verseau. Ainsi, le soleil parcourt toutes les constellations du zodiac au cours du cycle de 26 000 ans.

Qui dit cycle, dit croyance, et certains ont émis l’hypothèse étonnante que le cycle de l’histoire humaine est en phase avec le cycle de précession des équinoxes. L’histoire ne serait pas linéaire mais suivrait donc le cours d’une vaste boucle de 26 000 ans dans un éternel recommencement.

Cela fait longtemps qu’on sait que c’est complètement faux, mais je ne résiste pas au plaisir de partager une anecdote savoureuse à ce sujet. Elle provient de l’Astronomie Populaire de Camille Flammarion.

Des étudiants d’une université d’Allemagne sont à table, faisant, à la fin d’une année d’études, un dîner d’adieu. On parle de la grande année, du plaisir que donne l’assurance de se retrouver tous à cette même place dans trente mille ans. L’hôte, qui tient le milieu du festin et qui veille au service, se pique de philosophie et prend part à la conversation. Il exprime sa profonde conviction de la vérité de ce qui vient d’être dit, et au moment où l’on se lève de table, l’amphitryon salarié témoigne à ses convives le bonheur qu’il aura à les retrouver à la fin de la grande année. “Au revoir donc, messieurs!” Celui qui était chargé de payer s’adresse alors à l’hôte et lui demande de faire crédit jusqu’à la prochaine réunion. Celui-ci, fidèle à ses convictions, accepte, non sans un secret déplaisir. Déjà le payeur remettait sa bourse dans sa poche, lorsque l’hôte, se ravisant, dit à ses convives :

Puisque nous serons comme aujourd’hui dans trente mille ans, nous étions déjà ainsi il y a trente mille ans?

-Sans doute, s’écrie-t-on de toutes parts.

Eh bien, messieurs, alors, vous m’avez demandé crédit comme aujourd’hui. Payez-moi le dîner d’il y a trente mille ans, j’attendrai pour celui-ci”.

Camille Flammarion, Astronomie populaire
C. Marpon et E. Flammarion éditeurs, Paris 1880
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